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Prévenir pour ne pas mourir

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Les jeux dangereux dans les cours de récré, un sujet tabou en Suisse

La cours de récréation est un moment attendu par tous les écoliers pour s'aérer mais aussi pour partager des moments de convivialité. Malheureusement, ces instants d'innocence se transforment parfois en drame lorsque la pratique de « jeux dangereux » fait son apparition. La pratique consiste à provoquer ce qu'on appelle dans le jargon scientifique, une anoxie, soit un manque d'oxygène par strangulation, à l'aide d'un foulard ou d'un bout d'étoffe. Cette pratique provoque dans la plupart des cas un évanouissement et peut conduire à la mort.

En 2008 et 2009 le jeu du foulard a causé la mort en Suisse de jeunes enfants. Mais combien d'autres sont passés de l'autre côté sans être médiatisé? Décryptage d'un phénomène inquiétant en compagnie de François Robert, psychologue scolaire dans les établissements lausannois.

Les parents doivent-ils aborder la problématique des jeux dangereux avec leurs enfants ?
La réponse est clairement oui. Le choix que nous avons fait à Lausanne est de donner l'information en priorité aux parents car ce sont eux qui sont concernés en premier lieu. Nous avons choisi de ne pas parler aux enfants de manière directe car on ne veut justement pas les inciter. Dans un établissement scolaire, lorsque l'on sait qu'il y a ce genre de pratiques, on propose un forum pendant lequel les jeunes peuvent venir discuter et débattre. Mais on ne le fait pas de manière systématique. Il ne faut pas croire pour autant que rien ne se fait. Nous intervenons selon la situation.

Comment leur en parler sans susciter leur curiosité ?
On peut leur donner des informations factuelles sur la respiration à l'occasion de la projection d'un film - où l'on voit par exemple quelqu'un s'étouffer ? et leur expliquer que notre système respiratoire n'est pas fait pour supporter ça. Il ne faut pas expliquer comment on fait mais dire que c'est dangereux. Les parents ne doivent pas avoir un discours moralisateur mais se positionner en disant qu'ils sont inquiets car ce jeu comporte des risques. L'enfant doit en être conscient.

Que faire si un parent surprend son enfant en train de « jouer » à un jeu dangereux ?
Il faut tout de suite l'informer et lui expliquer qu'en supprimant l'accès d'oxygène au cerveau, il risque de le léser au bout de quelques minutes seulement. Le parent doit dire à son enfant : « en tant que parent, je suis inquiet car c'est dangereux». Les bambins méconnaissent malheureusement les risques.
Quels sont les signes physiques ou comportementaux qui peuvent alerter les parents ?
Le plus souvent, les parents ignorent totalement que leurs petites têtes blondes s'adonnent à ce genre de pratiques. Certains signes peuvent cependant les alerter. Comme des maux de tête, une fatigue subite, un endormissement et des marques sur le cou. Il faut aussi s'alarmer si une ceinture ou un foulard se trouve dans son sac et qu'il n'existe pas de raisons pour qu'un tel objet y soit. Les enfants essaient le jeu du foulard dans le dos des parents en groupe ou seul lorsqu'ils ont besoin de répéter l'acte. La plupart des parents l'ignorent.

Existe-t-il un profil type d'enfant à risque ?
Non pas du tout. La plupart de ces jeunes sont bien dans leur peau, curieux mais n'ont pas la capacité d'évaluer les risques. Il y a bien sûr des enfants plus fragiles qui n'oseraient pas dire non à une telle pratique devant leurs camarades mais la plupart le font délibérément sans être conscients des risques. C'est pour cela que le cadre familial est important. Les jeunes qui testent le jeu le font toujours suite à la proposition d'un camarade. La capacité à dire non se construit en famille.

L'école fait-elle assez de la prévention ?
C'est en fonction de la demande des directeurs. Dès que des parents alertent un responsable d'établissement ou que l'infirmière scolaire en fait la demande. Mais on ne peut pas décider seul. C'est du ressort des cantons d'intervenir. C'est aussi une question d'argent et d'énergie. Mais mon souhait principal est que les parents puissent être bien informés.


Un cri de douleur

Témoignage d'une maman qui a perdu son fils

Le 28 mai 2009, Florent Tosi perd la vie après s'être adonné au jeu du foulard. Quatre ans après le drame, rien n'a changé. Après des requêtes auprès du Département de l'Instruction Public, ses parents Fabienne et Massimo Tosi lancent une pétition et adresse un courrier aux autorités. Depuis, la maman n'a pas de nouvelles. Un silence qui la révolte.

« Rien, il ne se passe rien. Après le décès de Florent, nous sommes intervenus auprès des institutions afin de prévenir les parents que de telles pratiques existent aussi en Suisse. Seulement, les autorités refusent de réagir par peur d'inciter les jeunes à tester ces jeux. Pourtant, on peut en parler aux parents et les informer sur le sujet en disant : sachez que cela existe, que c'est dangereux et que cela n'arrive pas qu'aux autres. Je connais des parents qui ont aussi perdu un enfant mais ils préfèrent se taire.

Si j'avais su, j'en aurais parlé avec mon fils et il serait toujours là. Ma peur, c'est d'ouvrir un journal et de lire qu'un autre enfant a perdu la vie à cause de l'un de ces jeux. Et ce jour là, ce sera en partie de la faute des autorités qui n'auront rien fait pour que de tels drames ne se répètent pas. Je n'arrive pas à comprendre leur immobilisme. Cinq minutes d'information aux parents ce n'est pas compliqué. Mais encore une fois, les écoles refusent. Pourtant, il ne faut pas attendre que d'autres enfants meurent pour agir.»

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